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(fr) Courant Alternatif #339 (OCL) - Le mouvement des agriculteurs: le regards d'agriculteurs ou de paysans finistériens
Date
Sat, 6 Apr 2024 18:51:54 +0100
Le mouvement des agriculteurs a été important. Nous avons donc décidé à
la CJ de Douarnenez d'aller à la rencontre d'agriculteurs ou paysans que
nous connaissons (et donc du Finistère) pour avoir leurs avis. Aucun de
ceux que nous avons interviewés n'a participé au mouvement, avec les
raisons qu'ils expliquent. Ces trois interviews permettent d'avoir un
regard contrasté sur à la fois le mouvement et sur l'agriculture
actuelle. ---- Tomas, éleveur bio ---- CA: Bonjour Thomas, est-ce que tu
peux me dire quelle est ton activité? ---- TH: Je suis éleveur bio de
poules pondeuses et de vaches allaitantes. J'ai 80 hectares, 40 vaches
et 1200 poules. Pour les vaches, j'ai un système herbager[1], en totale
autonomie fourragère . C'est un système économe, je n'achète pas
d'intrants, aucun aliment pour les vaches. C'est donc très différent du
système intensif et productiviste qui lui est soumis aux nombreux achats
d'intrants, donc aux cours assez élevés des engrais chimiques et des
aliments pour animaux. A propos de l'atelier poules pondeuses, pour
comprendre l'échelle de mon activité, un éleveur de poules pondeuses bio
qui travaille avec une coopérative, qui n'aura que la collecte des oeufs
à faire, le bâtiment standard c'est 12 000 poules. Moi, je vends tous
mes oeufs directement dans les magasins bio, épiceries, boulangeries et
GMS sans intermédiaire. En termes de revenus, c'est moitié-moitié entre
les vaches et les poules.
CA: Tu es propriétaire?
TH: Non, je loue mes terres. J'ai un bail agricole et aujourd'hui le
bail est assez sécurisant pour les fermiers, tu ne peux pas te faire
virer sauf si tu ne payes pas ton fermage. Mais il faut être vigilant:
La FNSEA et certains propriétaires sont pour l'assouplissement du statut
des baux ruraux.
CA: Tu arrives à gagner combien par mois tu mois?
TH: Beaucoup de paramètres entrent en jeu dans le revenu disponible des
paysans et des paysannes. Dans nos systèmes économes et herbagers, on
s'en sort assez bien en général. En ce qui me concerne, étant installé
depuis 20 ans, j'ai un peu moins de remboursement d'emprunt que des
jeunes qui sont installés depuis peu. Mon revenu disponible mensuel est
variable selon les années mais disons qu'il oscille autour de 2 000
euros ou plus.
CA: Pourquoi les autres ne font pas comme toi?
TH: Ça c'est, le coeur du débat. Nous sommes vraiment dans un moule.
C'est-à-dire au lycée agricole, on nous apprend que c'est essentiel
d'être intensif si on veut gagner de l'argent. On nous apprend qu'il
faut faire beaucoup de produits à l'hectare, il faut avoir beaucoup de
vaches, il faut mettre des engrais pour avoir des bons rendements. C'est
aussi ce qui est défendu par le système dominant et les syndicats
majoritaires. J'ai fait une formation pour adulte qui s'appelle le
BPREA, brevet professionnel de responsable d'exploitation agricole. J'ai
du apprendre par coeur les matières actives des pesticides. Ce qui est
intéressant, c'est que nous, paysans en système économe et herbager, on
montre que c'est possible de s'en sortir et de vivre de notre métier
justement sans tomber dans ce piège productiviste.
CA: Pour les poules, tu achètes des aliments à l'extérieur?
TH: C'est une production un peu particulière parce qu'elles ont besoin
d'un aliment bien équilibré. Donc j'achète des aliments à l'extérieur.
Il y a des paysans éleveurs de poules pondeuses qui fabriquent eux-mêmes
leurs aliments. Et là c'est encore mieux. Mais moi, je n'ai pas les
terres adaptées à la culture, trop humides par endroit ou pas assez
profondes. Je préfère acheter les aliments pour les poules car c'est
plus sécurisant. J'achète à un groupe privé qui lui-même achète à
d'autres paysans bio dans le Grand Ouest, c'est une concession que je
dois faire.
CA: On relit le mouvement des agriculteurs à ce qu'on appelle le
réchauffement climatique, est ce que toi tu ressens des modifications
dans ton activité conséquentes des modifications climatiques?
TH: On ne peut pas nier ça, on vit le réchauffement climatique. On va
avoir des températures plus chaudes en été et des excès de pluie
ponctuellement. En été, l'herbe va pousser moins. Mais on a la chance en
Bretagne d'avoir un super climat, donc même s'il fait un peu plus chaud
en été, ça reste raisonnable.
CA: Est-ce que ça pourrait t'entraîner à modifier ton activité
actuelle? Pour nourrir tes vaches?
TH: Moi, je vais raisonner plutôt par combien de vaches je peux avoir
par hectare pour être autonome. J'ai adapté en fait mon système pour
être autonome donc je n'ai pas trop de vaches à l'hectare pour être sur
de ne pas avoir à acheter de de foin à l'extérieur et pour avoir assez
d'herbe toute l'année. C'est ce qu'on appelle des «système extensifs»,
contrairement aux systèmes intensifs qui ont dans leurs pratiques, une
forte densité d'animaux à l'hectare ou dans les bâtiments d'élevage.
CA: As-tu participé aux mouvement des agriculteurs?
TH: Non, je n'y ai pas participé. Dès le début en fait, j'ai vu qui il y
avait dans la rue, je sais quels voisins y ont participé et moi ça m'a
fait flipper tout de suite. Parce qu'au départ, c'était tout ce qu'il y
a de plus rétrograde et dégueu qui étaient dans la rue. Les premières
revendications, c'était sur les taxes sur les carburants et le prix du
GNR, le carburant pour les tracteurs. Il était demandé plus de
souplesse, en gros d'avoir le droit de faire encore plus n'importe quoi
en termes de pratique agricole intensive et chimique.
CA: La Confédération paysanne est intervenue dans le mouvement, est-ce
que tu es lié à la Confédération paysanne?
TH: Je ne suis pas à la Conf. Je suis leurs activités et je connais des
paysans qui sont membres de la Conf avec qui je discute. Ce que je pense
de l'intervention de la Conf dans le mouvement, c'est que la grande
priorité en ce moment, ce sont les élections professionnelles qui vont
se dérouler début 2025. C'est la priorité aussi de tous les autres
syndicats. Je pense que la direction nationale de la Conf a pris la
position de participer à ce mouvement d'agriculteurs parce qu'il fallait
en être pour pouvoir dire ensuite aux agriculteurs que la Conf y était
et qu'elle a contribué à certaines avancées. Par contre, je mettrai
quand même une nuance. C'est peut-être bien qu'il y ait eu la Conf car,
par endroit, elle a fait des actions parallèles sans se mettre au coude
à coude avec la FNSEA. La Conf a montré qu'il y avait un autre discours
et des paysans qui se basaient sur un autre modèle agricole que celui
qui est défendu par la FNSEA. Donc ça c'était intéressant quand même.
CA: Tu n'as pas participé à des actions locales s'il y en a eu?
TH: Il faut se rappeler le déroulement de ce mouvement d'agriculteurs.
Au départ, c'était un mouvement avec des revendications réactionnaires,
rétrogrades et productivistes. Ce n'est que quelques semaines après le
début du mouvement que la direction de la Confédération paysanne s'est
positionnée pour appeler ses adhérents à participer au mouvement. Les
adhérents de la Conf que je connais étaient extrêmement surpris, soit
ils étaient en désaccords soit ils soutenaient la position par loyauté.
Mais il n'y avait pas un grand entrain à aller au coude-à-coude avec des
agriculteurs qui se battent pour un système agricole qui va à l'opposé
de celui pour lequel nous on se bat. Et ils étaient hors de question
pour eux de se rendre aux actions à l'appel de la FNSEA ou de la CR
CA: Est-ce que il y a eu des actions de la Confédération paysanne dans
le Finistère ou dans l'ouest de la Bretagne?
TH: Oui, la conf du 29 a appelé à quelques actions plus autonomes, entre
autres à Carhaix pour faire entendre leurs revendications. Il y a quand
même un truc important si on veut faire un petit bilan de ce mouvement.
Ce qu'ils ont obtenu est malheureusement un grand bond en arrière: la
suspension du plan Ecophyto qui prévoyait la réduction de l'utilisation
des produits phytosanitaires de 50% d'ici 2030 si je ne me trompe pas.
Maintenant, c'est la suspension et d'autres moyens de calculs pour que
l'on aille à l'inverse de la direction de l'utilisation de moins de
produits chimiques. C'est aussi la possibilité pour ceux qui ont des
grands projets, de ferme usine ou de production intensive, de contrer la
contestation des gens. C'est aussi beaucoup de normes environnementales
qui ont sauté. Des grands projets d'agriculture industrielle qui seront
plus difficilement contestables: des délais raccourcis pour les recours
et le préfet qui aura le dernier mot. C'est un énorme recul en arrière
et je pense que le gouvernement a saisi l'opportunité de ce mouvement
d'agriculteur pour aller vers ce quoi il voulait aller en fait. Quelques
centaines de tracteurs ont permis un grand recul en arrière au niveau
écologique et un énorme coup d'accélérateur pour l'agriculture intensive
industrielle et productiviste. Pour eux, c'est une grande victoire.
CA: Le gouvernement a eu une stratégie opportuniste. Mais autour de toi,
les agriculteurs que tu connais et qui ne sont pas productivistes ou
intensifs même s'ils sont dans le conventionnel, ils vivent comment le
bilan du mouvement.
TH: Il y a un clivage net. Je dirai qu'il y a 80% d'agriculteurs qui
soutiennent en fait ce système industriel en place. Bien sur, je ne dis
pas que ce sont tous des bourrins qui font n'importe quoi avec un mépris
total de l'écologie. Mais quand même, à des degrés divers, beaucoup
d'agriculteurs défendent par conviction le système agricole dominant.
Pour moi, ils se tirent une balle dans le pied. Il y a à peu près 20%
qui sont pour un autre modèle, souvent issus des moyennes et petites
structures. C'est le rapport de force actuel et il faut être conscient
de ce clivage-là. Certaines personnes ont espéré que la direction de la
FNSEA soit débordée. Moi je pense que la FNSEA n'a pas été débordée et
si une frange d'agriculteurs avaient réussi à continuer le mouvement
pour aller plus loin, ça aurait été pire. La plupart de ceux qui
soutiennent l'agriculture chimique et productiviste sont propriétaires
de leurs terres. Cette contestation, c'est une contestation de
propriétaires terriens. Aujourd'hui, la surface moyenne des fermes,
c'est plus de 100 hectares. Quand t'es propriétaire de 100 hectares, si
tu revends ta ferme à l'heure de la retraite, tu vas récolter 100 fois 6
000 € ou 8 000€ (ou plus) sans compter la vente du matériel, du cheptel
et des bâtiments agricoles. C'est quelque chose qu'il faut bien avoir en
tête pour comprendre que les intérêts de ces agriculteurs sont
incompatibles avec la possibilité d'une jonction sociale menant à des
perspectives révolutionnaires. Ce qu'ils voulaient c'est uniquement
qu'on réponde à leurs revendications d'avoir moins d'écologie et d'avoir
plus de souplesse pour faire n'importe quoi. Pouvoir détruire plus
facilement les haies, pouvoir traiter plus près des jardins, pouvoir
utiliser plus de pesticides. Pour cela il fallait arrêter le plan
Ecophyto, qui les embêtait. Ce n'est pas pour être pessimiste, mais il
n'y avait rien à attendre en termes de victoire sociale de ce mouvement-là.
CA: Pourtant, ils parlaient du revenu.
TH: Oui, c'est pour ça que la Confédération paysanne a réussi à
s'engouffrer dans le truc, et aussi au sujet de la simplicité
administrative. Mais quels moyens pour y arriver? Mettre plus de
produits chimiques? En baissant les taxes sur les carburants? Il y a un
clivage. Nous sommes aussi pour avoir plus de revenus, mais en
pratiquant une autre agriculture et aussi en demandant un rééquilibrage
des aides. Tous les paysans reçoivent des aides, sans les aides de la
PAC, aujourd'hui dans ce système, on ne peut pas fonctionner.
Aujourd'hui, une majorité d'aides partent aux grosses exploitations et à
ceux qui font de la culture parce que les aides, c'est à l'hectare. Donc
plus tu as une grosse ferme, plus tu as des aides. La Conf fait partie
de ceux qui demandent à ce que les aides soient données par actif
agricole (par paysan) plutôt que par hectare.
Pour finir, j'aurais envie de dire c'est que la question de quelle mode
d'agriculture nous voulons, c'est une question dont devrait s'emparer
vraiment tout le monde. Quelle agriculture on doit pratiquer? Comment on
répartit la production? Ça nous concerne tous. Réussir à décloisonner
ces questions, c'est la crainte de cette grande mafia agricole. A coup
sur, la majorité des personnes préférerait avoir dans leur assiette des
produits sains issus de fermes à taille humaine.
RV, le 16 mars 2024
Note
[1]qui se consacre à l'élevage du bétail sur des pâturages.
LES TROIS SYNDICATS AGRICOLES
La Fédération nationale des syndicats d'exploitants agricoles (FNSEA),
fondée en 1946, est le syndicat professionnel majoritaire dans la
profession agricole. Ce syndicat se caractérise par son soutien au
système agricole conventionnel. Il promeut l'industrialisation des
exploitations, l'exploitation animale, l'utilisation de pesticides. La
FNSEA trouve son origine dans la Confédération Générale de l'Agriculture
qui s'opposa à la Corporation Paysanne mise en place par le régime de
Vichy, certes disparue à la Libération, mais dont la FNSEA a hérité des
structures. La FNSEA s'inscrit ainsi dans un double héritage du régime
de Vichy et de la Résistance.
La Coordination Rurale (CR) est un syndicat agricole français, créé fin
1991. Ce syndicat représente des agriculteurs de tout type de
production, en agriculture biologique ou conventionnelle. C'est le
troisième syndicat agricole français, au coude à coude avec la
Confédération Paysanne, loin derrière le premier, la FNSEA sur des
listes communes avec le syndicat Jeune Agriculteur. La CR est classée
politiquement à droite, et est parfois considérée comme étant proche de
l'extrême droite.
La Confédération paysanne «Conf'»voit le jour le 18 avril 1987. C'est un
syndicat agricole français. Elle est membre fondateur de la Coordination
Paysanne européenne, de Via Campestina et Attac. La Confédération est
classée à gauche. C'est le deuxième syndicat agricole français, au coude
à coude avec la CR. Elle a pour objectif de donner un espace
d'expression aux paysans opposés à la politique agricole productiviste
de la FNSEA. La Conf' va axer ses combats sur l'agriculture paysanne dès
ses débuts, sur sa reconnaissance dans les instances décisionnelles et
sur la réforme de la PAC.
VL, éleveur laitier bio
CA:Bonjour, VL, pour commencer peux-tu nous présenter ton exploitation?
VL: Bonjour, Je suis installé depuis 1989. Je travaille sur 70 Hectares
de terre tout en herbe avec 70 vaches et 20 génisses en élevage laitier
bio à raison d'une traite par jour 300 jours dans l'année. Mon métier me
permet de faire vivre deux personnes. Je travaille 4 à 5 heures par
jour, pour le travail de routine concernant l'alimentation des animaux,
l'organisation du pâturage ou distribution des fourrages, la traite et
les soins divers. Suivant les périodes de l'année, le travail varie
entre trois et 10 heures par jour.
L'année se divise en quatre périodes différentes: Au printemps, du 1er
février au 1er mai; vêlages groupés. Du 1er mai au 30 juin, c'est la
période de reproduction: inséminations et saillies ce qui implique
beaucoup d'observations et de surveillances ainsi que les récoltes
principales d'herbes. Ensuite du 1er juillet au 1er décembre: suite de
la lactation, le travail est plus «tranquille», ainsi que la traite et
la gestion du pâturage. Du 1er décembre au 31 janvier, c'est la fin de
la lactation et la fermeture de la salle de traite et donc une période
de repos pour tout le monde pour les animaux comme pour les hommes.
CA: Avec tout cela, trouves-tu du temps pour prendre des vacances?
VL: Oui, généralement j'arrive à partir deux semaines en vacances soit
en juillet soit en aout. Je dois embaucher quelqu'un qui connaît
parfaitement le fonctionnement de l'exploitation, souvent un ancien
stagiaire formé pendant l'année car pour lui tout est frais dans sa tête
et au niveau des gestes avec les bêtes. Pour moi c'est rassurant, et
ainsi je peux partir tranquille.
CA: Peux-tu nous dire combien tu gagnes? Et , aussi sur ce revenu nous
expliquer ce que représente la part des subventions?
VL: Oui, je gagne environ 50000 € dont 18000 € d'aide PAC et 12000 € de
MAEC .
CA: Alors, abordons maintenant le coeur de notre sujet, les
manifestations des agriculteurs. Quel regard portes-tu sur ce mouvement?
VL: Pour commencer, je précise tout de suite ma position, je suis
adhérent à la Confédération Paysanne[voir encadré], depuis longtemps.
Pour moi, les manifestations ont commencé dans le Sud-Ouest et ont été
portées essentiellement par la Coordination Rurale[voir encadré],
mouvement créé contre la PAC à sa création en 1992 et revendiquant
d'être rémunérés par les prix et non par les primes. C'est là le gros de
leur revendication. La FNSEA , je pense, au vu de l'emballement a fait
le nécessaire pour récupérer le mouvement; ceci du fait des prochaines
élections dans les chambres d'agriculture. Ce syndicat réclame moins de
contraintes administratives et environnementales. La Confédération
Paysanne ne se reconnaissait pas dans ces revendications, alors qu'elle
se battait depuis des mois pour maintenir les mesures
agro-environnementales en passe d'être réduites.
CA: Peux-tu nous expliquer ce que sont ces MAEC?
VL: Les MAEC sont des contrats passés entre l'Etat et les agriculteurs
qui engagent chacune des parties à respecter un cahier des charges
environnementales souscrit pour une durée de 5 ans: ils permettent aux
agriculteurs de bénéficier d'une aide financière en contrepartie de
pratiques agricoles vertueuses pour l'environnement déclinées en quatre
grands axes: la Biodiversité, l'Elevage, la Qualité de l'eau et la
Préservation des terres.
En 2020, à la surprise générale, l'Etat décide la suspension de ces
MAEC, les agriculteurs indignés en demandent le maintien. L'Etat décide
alors de les relancer en 2023: il débloque alors 90 millions d'euro pour
la mise en place de nouveaux contrats alors qu'il en aurait fallu 150
millions vu le nombre de candidats intéressés. Ces contrats sont
primordiaux car ils concernent directement toutes nos préoccupations
actuelles quant aux problématiques du changement climatique. C'est la
Confédération Paysanne à l'époque qui fait bloque, ne lâche pas le
morceau et finalement l'Etat décide de respecter ses engagements.
CA: Revenons à la question des manifestations.
VL: Dans le Sud-Ouest comme je le disais tout à l'heure, les
revendications des éleveurs ont été très fortes pour obtenir de
meilleurs revenus c'est alors qu'entre en scène la FNSEA[voir encadré]:
clairement je pense qu'elle a flippé! Car elle n'avait pas du tout la
main sur ce mouvement, elle a donc tout fait pour le récupérer
médiatiquement en amenant tout un tas de revendications délirantes qui
n'avait rien à voir avec celles de la Coordination Rurale: moins de
prairies , plus d'irrigation, distance de pulvérisation réduite à minima
des habitations, maintien des phytos et moins de contrôles sanitaires.
CA: As-tu une idée de ce que peuvent gagner tes «collègues» installés en
conventionnel?
VL: Non, tout ce que je peux éventuellement vous donner ce serait des
ordres de grandeur...
CA: D'après notre enquête, nous avons découvert que certains éleveurs,
notamment les éleveurs de porcs auraient multiplié par 3 ou 4 leurs
revenus et les éleveurs laitiers par 2 ces deux dernières années. Ces
chiffres te semblent-ils plausibles?
VL: Oui, c'est tout à fait possible car de ce que j'en sais, les
éleveurs de cochons en conventionnel ont vu leur revenu augmenter de
façon impressionnante, et ce qui ne me fait pas démentir ces ordres de
grandeur c'est la visite en catimini du ministre de l'agriculture Marc
Fesneau le jeudi 22 février dernier chez Eric Claquin à Mahalon, éleveur
de porcs et bovins lait dans le Finistère. Il est le dirigeant de la
Société Groupement Agricole en Commun de Ty Moguel, celui-ci a déclaré
devant les caméras je cite: «qu'il n'avait pas besoin d'argent mais
qu'il voulait la paix»!
CA: Peux-tu nous décrire l'impact du changement climatique sur ton
travail? Comment ressens-tu les choses?
VL: Si je regarde en arrière, mes bêtes se nourrissaient de pâturage au
3/4 de la ration annuelle. Et, maintenant durant les années les plus
difficiles, nous avons du mal à atteindre la moitié. L'année 2018 fut
une année de bascule. Nous sommes confrontés à des périodes extrêmes et
inattendues de froid, de pluie et de sécheresse. Ce qui occasionne du
stress pour nous, pour les animaux et pour la nature.
CA: Peux-tu nous donner des chiffres?
VL: C'est simple, avant 2018, l'alimentation coutait 25 € les 1000
litres de lait produit. Depuis ,nous avons doublé ce cout, en passant à
50 /60 € de fourrage pour 1000 litres de lait. Pour être plus clair,
quand mes vaches peuvent rester en prairie pâturer, sur 500€ les 1000
litres payées, j'ai 10€ de cout alimentaire. Par contre , si je dois les
nourrir uniquement avec du fourrage conservé, ce cout passe à 150€.
Le 1er Mars 2024, propos recueillis par Batman et Ribine
EC, cochonnier conventionnel
CA: Bonjour E .C, tu es notre voisin depuis quelques années maintenant,
nous savons que tu es éleveur de cochon en conventionnel. Nous
connaissons ton exploitation car tu as eu la gentillesse de nous la
faire visiter et nous avions été enchanté par cette visite, tes bêtes
sont très belles, on voit bien qu'elles sont soignées. En plus, nous ne
sommes jamais incommodés ni par les odeurs ni par quoi que ce soit
d'autre. Mais, présente-nous ton exploitation.
EC: Depuis 2004, je suis naisseur et engraisseur avec 100 truies
allaitantes toute l'année. L'exploitation est sur 100 hectares sur
lesquels je cultive de l'orge, du blé, du maïs et du colza, enfin ce
dont j'ai besoin pour nourrir mes bêtes.
CA: Combien gagnes-tu grâce à cette activité?
EC: Je tire vingt-cinq mille euro de mon exploitation et je touche
quinze mille euro de prime PAC.
CA: as-tu un avis sur le dernier mouvement agricole?
EC: Je ne me sens pas concerné car notre situation s'est nettement
améliorée, mais je comprends la position des éleveurs du sud- ouest et
des vignerons bio du sud, je pense en particulier à la Drôme et au
Côtes-du-rhône. Par exemple, les vignerons passés en bio n'ont pas reçu
le soutien nécessaire pour une transition honorable, sans compter les
épisodes climatiques extrêmes, orage, grêle, glissement de terrain, donc
la qualité du raisin n'était pas au rendez-vous. Problématique qu'ils
n'ont pas pu compenser par des quantités suffisantes.
CA: D'après toi y a -t-il d'autres facteurs à cette situation?
EC: Oui, il me semble qu'il faut préciser la façon dont fonctionnent les
coopératives agricoles: quelles que soient les années elles ne
s'adaptent pas aux situations particulières, elles veulent tout le temps
la même qualité ainsi que le même rendement. Je vais vous l'expliquer
avec le blé qui me concerne directement: les coopératives sont trop
regardantes sur la «propreté» du grain, lorsque mon grain contient un
peu de verdure, de «mauvaises herbes», ou qu'il est un peu piqué de
moisissures de surface et bien il n'est plus vendable (on est bien dans
du fourrager). Même si dans mon système de culture je ne sens pas les
changements climatiques pour le moment, je suis tributaire des années
trop humides. Il faut que je vous dise qu'il existe deux catégories de
blé, le blé panifiable et le blé fourrager (alimentation animale). Le
blé panifiable, (alimentation humaine) doit contenir 12% de protéines et
obtenir 76 de poids spécifique: c'est-à-dire qu'un mètre cube doit
contenir 760Kg de blé consommable une fois trié, sans quoi il n'est plus
panifiable. Alors, en Bretagne il n'y a que deux zones propices à la
culture du blé panifiable: Le Blavet c'est la région autour de Pontivy
et le bassin de Rennes. La protéine contenue dans le blé dépend du taux
d'azote contenu dans la terre, or, ici les terres sont acides et
pauvres, nous sommes donc contraints d'enrichir notre sol avec beaucoup
d'azote car une terre trop acide non seulement détruit l'azote mais en
plus rend ce dernier moins bien assimilé par les plantes. C'est pour
cela qu'en Bretagne nous n'arrivons jamais à 12% de protéines et que
nous ne récoltons que très peu de blé panifiable sur nos terres.
CA: As-tu le droit de te passer de produits phytosanitaires?
EC: Je n'utilise ces produits qu'au regard des manques et des besoins
que j'observe sur mes parcelles. Mon conseiller culture, c'est le
technico-commercial qui me vend les semences et les produits phyto qui
leurs sont obligatoirement associés, me reprend la marchandise et me
fait un avoir si je n'ai pas tout utilisé.
CA: Que penses-tu de la FNSEA?
EC: Je porte un regard dubitatif, car je me rends compte de la
prééminence et des abus de la fédé (FNSEA) et je n'ai d'ailleurs jamais
voulu y adhérer ni à aucun autre syndicat agricole.
CA: Envisagerais-tu de passer en élevage bio?
EC: non, c'est trop de contraintes. Dans mon système, malgré qu'il soit
conventionnel, je cherche par tous les moyens le bien-être de mes bêtes:
je suis le seul à procéder à mes propres inséminations, je ne lime pas
les dents de mes cochons, je ne leur coupe pas la queue et ne leur donne
pas d'antibiotiques.
Le 14 mars 2024, propos recueillis par BATMAN et RIBINE
https://oclibertaire.lautre.net/spip.php?article4126
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