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(fr) Courant Alternatif #338 (OCL) - Lutte du piquet Chronopost d'Alfortville
Date
Wed, 20 Mar 2024 22:12:51 +0000
La préfecture redonne son honorabilité à l'entreprise Derichebourg pour
refuser les régularisations sur Alfortville ---- Ce jeudi 14 mars, la
préfecture de Créteil a publié un communiqué de presse concernant sa
relation avec le mouvement des Sans-papiers d'Alfortville. ---- Le
communiqué titre «l'État a tenu ses engagements». Il renvoie à
l'avant-dernier paragraphe de son communiqué concernant une rencontre
ayant eu lieu le 24 novembre, rencontre au cours de laquelle, la
préfecture, représentée par le directeur de cabinet de la préfète du 94,
nous a annoncé trois délivrances de carte pour des grévistes Chronopost.
---- Il est utile de revenir sur cette réunion et sur le raisonnement
préfectoral ayant conduit à ces trois régularisations. ---- La
préfecture, dans la rencontre du 24 novembre à laquelle fait référence
son communiqué du 14 mars, n'a traité le cas que de 8 grévistes sur 18.
Qu'avaient en commun ces 8. Ils avaient tous été employés par
Derichebourg. La préfecture a donc exclu d'emblée tous ceux qui
n'étaient pas Derichebourg, qui étaient sur d'autres sites, et même une
personne ayant travaillé à l'agence d'Alfortville mais avec un autre
employeur.
Quelle a été la méthode pour choisir trois personnes? C'est un calcul
d'heures mené par Derichebourg. Il fallait atteindre les 910 heures de
travail en intérim.
Donc, plutôt que de totaliser elle-même le nombre d'heures des feuilles
de paye fournies, la préfecture a sous-traité ces additions à Derichebourg.
Notons que plusieurs autres personnes dépassaient largement ce nombre
d'heures, mais avec d'autres employeurs. Ces dossiers, n'étant pas
Derichebourg, n'existent donc pas pour la préfecture.
Revenons sur ces 910 heures de travail en intérim.
L'embauche à Alfortville se fait à 4h00 du matin (en moyenne, en
fonction de la quantité estimée de camions à décharger). La débauche est
à 7h30. Cela fait 3 heures et demie. Pour atteindre ces 910 heures, il
faut plus d'une année. Or le système Derichebourg sur Alfortville était
conçu pour que les salariés ne puissent jamais atteindre une ancienneté
salariée où ils pourraient revendiquer des droits, ou alors que de façon
exceptionnelle. Il s'agissait d'employer aux limites inférieures du
mi-temps et moins de huit mois. Soit le turn- over était «naturel»,
quand les reins de la personne étaient fichus et qu'elle s'éliminait
d'elle-même. Soit cette rotation de personnel était modulée par
Derichebourg lui-même.
Et ces trois heures et demie qui ne permettent pas de remplir des
critères de régularisation, d'où viennent-elles? Avant (il y a
longtemps), le travail était accompli par des contractuels à plein
temps. Chronopost lui a subsitué une cascade juridique pour faire
baisser le coût du colis.
- Chronopost sous-traite son coeur de métier à Deichebourg - premier
délit de marchandage[1]validé par l'État.
- Ensuite,Derichebourg se prête de la main-d'oeuvre à lui-même. Il
utilise les services de Derichebourg intérim. Tous les salariés sur
Alfortville étaient employés formellement par Derichebourg Intérim.
Deuxième délit de marchandage validé par l'État.
- Derichebourg Interim, sur des postes pourtant pérennes enchaine pour
chaque salarié des contrats au maximum d'une semaine. Délit d'abus
d'utilisation d'intérim.
- Enfin, utilisation massive de main-d'oeuvre sans titre dans un
contexte de quasi-esclavage avec un contremaitre dont la fonction est de
crier toute la journée pour que les déchargements et les scans de colis
aillent vite, vite, encore plus vite.
Donc résumons:
Derichebourg est une entreprise à la réputation ternie, qui s'est faite
mettre dehors par La Poste, complice non assumé du système mis en place
par Chronopost à Alfortville. C'est à cette entreprise que la préfecture
redonne de l'honorabilité en lui réclamant les éléments pour juger de la
réalité du travail des grévistes.
Et comment la préfecture s'y prend-elle pour redonner de l'honorabilité?
En faisant référence à une enquête de la DRIEETS, ouverte et jamais
refermée en 28 mois d'investigations supposées. Avec une conclusion
imparable pour une enquête sans rapport écrit, sans aucune communication
d'étape, «les contrôles menés par l'inspection du travail n'ont par
ailleurs pas démontré l'existence d'infractions liées à du travail
illégal de la part du sous-traitant[2].»
Cette confiance absolue de la préfecture pour la parole de Derichebourg
est allée loin. Lors de la rencontre de novembre, le directeur de
cabinet de l'époque a osé dire à un délégué présent. «Derichebourg nous
assure que ce n'est pas vous qui avez travaillé, mais bien M. XXX»
(l'alias). Ce faisant, il considérait comme nulles et non avenues les
preuves photographiques de son travail sur le site. (Ci-jointes)
Concernant les preuves photographiques, le responsable du service des
étrangers nous a affirmé ne prendre en compte que les attestations de
concordances officielles.
Mais ceci entre contradictions avec la circulaire qui vient de paraître
qui précise page 4: «En cas d'utilisation d'alias, vous pourrez vous
fonder sur un faisceau d'indices pour établir la concordance entre
l'identité présentée dans le cadre des périodes de travail réalisées et
celle figurant sur les documents d'état civil du demandeur[3]».
Par ailleurs, concernant trois personnes n'ayant pas travaillé à La
Poste qui faisaient partie des 32 dossiers, mais qui n'ont pas eu d'avis
positif, le directeur de cabinet nous avait lu le résumé d'instruction
le 24 novembre. Ce résumé d'instruction ne relève que des feuilles de
paye sous alias alors même que leur dossier déposé renferme des feuilles
de paye à leur nom. Le service des étrangers a ainsi choisi de ne pas
les mentionner dans le dépliant servant au corps préfectoral comme rendu
d'instruction.
En outre, beaucoup de travailleurs Sans-papiers d'autres entreprises
sont venus participer à la lutte du piquet Chronopost. C'est le résultat
d'une difficulté générale pour obtenir de leurs employeurs les documents
et, même quand ils les ont, il y a quasi impossibilité de décrocher un
rendez-vous en préfecture et d'y mener une procédure de régularisation
avec succès. Il est à noter d'ailleurs que l'essentiel des
régularisations opérées parmi les dépôts de juin dernier concerne ces
personnes (sur les 15 cartes de séjour délivrées, seulement 4 l'ont été
à des grévistes de la Poste), mais depuis la préfecture refuse d'autres
dépôts et nous renvoie, pour tous les autres, à un droit commun qui ne
marche pas. Il est légitime qu'eux aussi puissent être régularisés.
La préfecture du Val-de-Marne est donc loin d'avoir apporté un règlement
positif au conflit de Chronopost Alfortville. Le combat pour la
régularisation de tous les occupants du piquet reste donc complètement
d'actualité.
Nous appelons le mercredi 20 mars, 14h00, avec le cadre unitaire du 94,
à un rassemblement devant la préfecture. Nous dirons Ouvrez les
guichets! Régularisez! Non aux OQTF
Et pour la journée internationale de lutte contre le racisme, Samedi 23
mars, 14h00 Bastille
Abrogation de la loi Darmanin et de toutes les lois discriminantes et
racistes.
Solidaire, Sud-PTT et Comité des travailleurs sans papiers de Vitry.
Sur cette lutte lire également:
Interview des délégués sans papiers DPD et Chronopost en grève «La
marche arrière est cassée» dans Courant Alternatif n° 327 de février 2023
Communiqué intégral, contacts presse et communiqué initial e la
préfecture sur le pdf à télécharger ci-dessous
Notes
[1]Pour le lecteur: le délit de marchandage, en terme de droit du
travail, est l'introduction d'un artifice juridique qui permet de
dégrader les conditions de travail et les payes
[2]Communiqué de la précture du Val-de-Marne du 24 novembre 2023
[3]Circulaire IOMV2402701J diffusée par le ministère de l'Intérieur le 5
février 2024
https://oclibertaire.lautre.net/spip.php?article4114
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