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(fr) Monde Libertaire - Des idees et des luttes: la Commune de Paris. 1871. Les acteurs, l'évènement, les lieux
Date
Tue, 19 Mar 2024 18:55:57 +0000
Tout sur la Commune de Paris ... ou presque! ---- Quel défi se sont
lancés plus de trente chercheurs emmenés par Michel Cordillot:
rassembler dans la version initiale un ouvrage de 1 438 pages la
connaissance la plus large et néanmoins précise de cet évènement
historique, objet de tant de livres, d'articles que Quentin Deluermoz
considère qu'il est impossible à une seule personne de tous les lire. La
diversité communarde apparaît dans les 500 biographies sélectionnées
dans le Maitron, célébrissime dictionnaire biographique du mouvement
ouvrier. Il faut suivre le conseil de Michel Cordillot et se rendre sur
le Maitron-en-ligne pour découvrir 17 500 autres. Le point commun de
toutes ces femmes et ces hommes? «Leur vie a été profondément marquée
par la Commune, qu'elle ait constitué un aboutissement, un épisode
central de leur existence, ou un point de départ dans leur engagement
ultérieur.»
Ce dictionnaire déjà riche de la relation de ces existences hors du
commun est scandé de notices thématiques. Connaît-on vraiment l'histoire
de la Commune, la chronologie des évènements? Comment vivait-on à Paris
pendant ces 72 jours, 73 si l'on intègre la résistance du fort de
Vincennes jusqu'au 29 mai? Quels sont les grands débats? Fut-elle
socialiste ou sociale? Et l'après-Commune? Comme disait Georges Renard,
«revenir d'exil, c'est encore s'exiler». L'étude des évènements est-elle
enfin achevée? Cet ouvrage a connu un très grand succès avec trois
rééditions. Le passage en poche devait nécessaire. Mais compte tenu de
l'impossibilité technique de rééditer l'intégralité de l'ouvrage en un
seul volume, les éditions Tallandier ont fait le choix de se concentrer
sur les seules notices thématiques augmentées d'une douzaine. Un bel
ouvrage de près de 750 pages.
Au croisement de tant de destins
Quelles sont les causes de la Commune? Une aspiration politique majeure:
la République, mot générique qui anime les oppositions à l'Empire... Un
contexte économique et sociale dit de révolution industrielle qui, pour
beaucoup, se traduit par la misère, l'exploitation, la naissance du
prolétariat, il suffit de relire Varlin, Malon... Paris est en pleine
transformation, explosion économique, le décalage entre la capitale,
révolutionnaire, dynamique et la province rurale, traditionnelle sous le
contrôle des hobereaux et des conservateurs aura des conséquences
pendant la Commune. La déclaration au peuple français du 20 avril 1871
recevra peu d'échos. Pour autant, n'y eut-il de Communes qu'à Paris?
Non, mais malheureusement elles furent réprimées par l'armée et à
Marseille, Crémieux, un des organisateurs sera fusillé. A Lyon, la venue
de Michel Bakounine en septembre 1870 n'a pas impulsé un mouvement
conséquent. Un texte de cet auteur souligne en juin 1871 qu'une
révolution ne se décrète pas. Les notices fournissent une analyse fine
de cet «avant-Commune».
A Paris, des femmes et des hommes vont se mobiliser à compter du 18 mars
pour la Commune. Une notice tente d'en donner une définition que nous
vous invitons à découvrir. Quelle légitimité avait-elle? Des milliers de
parisiens, les femmes ne votaient pas, ont élu leurs représentants. Leur
programme est étonnamment moderne et les conseils, sur une très belle
affiche, pour désigner les représentants font encore écho aujourd'hui.
La lecture de ce monument donne le sentiment de parcourir les rues de
Paris, de se rendre dans les clubs en croisant des têtes connues. Allez
sur le site maitron.org, Nathalie Le Mel, Charles Delescluze, Jean
Allemane, Emile Duval assassiné par les Versaillais à Clamart, Les
frères Reclus, mais il y aussi les obscurs, les sans-grades ceux se
battaient «simplement» pour une république démocratique et sociale,
jusqu'à leur mort. Les femmes même non éligibles ont toute leur place,
Eulalie Papavoine, André Léo, son nom de plume qui restera dans
l'histoire, Anna Jaclard, une noble russe, tout comme Elisabeth
Dmitrieff et évidemment Louise Michel. Mais il y tous les autres, cette
autre Louise, vous la connaissez uniquement par son prénom... Oui, une
infirmière au bas de Belleville, rue de la Fontaine-au-Roi, apporte son
aide aux derniers combattants dont un certain Jean-Baptiste Clément qui
lui dédicacera son Temps des cerises. Et puis, X... un communard
inconnu, tombé au Père-Lachaise le 27 mai. «Clôturer la partie
biographique de ce dictionnaire avec ce mort privé de nom sera une
manière de rendre hommage aux milliers de combattants de la Commune
condamnés à rester anonymes» car fusillés au coin d'une rue, jetés dans
une fosse commune, oubliés dans les catacombes.
Un récit passionnant et analytique
Le lecteur sera séduit par la qualité des échanges entre les différents
acteurs de la Commune. Ouvriers, artisans, journalistes, on disait
publicistes, gens du peuple, ils prennent à bras le corps les enjeux. De
quelle république parle-t-on? Certes, Vallès donne de sa voix dans Le
Cri du Peuple, mais ce même peuple s'exprime dans les clubs qui
favorisent ainsi l'expression d'une culture politique populaire,
originale et influente, on y croise par exemple Paule Mink, une
militante féministe ardente.
Certes, les canonnades rythment la vie des habitants mais la Commune
impulse un certain nombre de réformes comme la séparation de l'Eglise et
de l'Etat, la question des loyers et du logement. Hugues Lenoir souligne
dans une notice consacrée à l'éducation, les innovations notamment dans
l'égalité entre les garçons et les filles, en matière pédagogique, Jean
Louis Robert développe l'organisation des services publics dont celui de
la justice. Des auteurs qui nous sont connus. La vie, ce sont aussi les
chansons, les pièces de théâtre, les journaux comme Le Père Duchêne et
plus original les jeux de hasard que la Commune interdira.
A la différence de nombreux ouvrages, celui-ci donne aussi la parole à
ceux d'en face, aux opposants, notamment les écrivains, rappelle que des
hommes comme Louis Blanc, une figure de 1848, Henri Tolain, un des
fondateurs de l'AIT seront en désaccord avec la Commune. La section
«Débats et controverses» montre les échanges vigoureux, Marx, Bakounine,
les différentes visions et de la Commune et du socialisme. Impossible de
mentionner la totalité des thèmes, vous irez au fil des pages comme des
rues de la capitale. Il faut souligner la qualité de la mise en page qui
font de ce livre un outil de travail et de réflexion pour les
chercheurs, les militants, un guide pour tout lecteur curieux de
découvrir ces jours de «liberté sans rivages» selon l'expression de
Jules Vallès. J'insisterai sur la notice La société fraternelle des
anciens combattants de la Commune dont l'association des Amies et des
Amis de la Commune est l'héritière.
Pour reprendre en conclusion une question initiale, a-t-on tout écrit?
Non répond Quentin Deluermoz, les archives ne sont pas toutes exploitées
et le travail initié par Jacques Rougerie, le grand spécialiste de la
Commune, est loin d'être achevé, voilà qui laisse des perspectives aux
jeunes générations.
Pour nous militants, elle reste certes une source d'inspiration mais
comme l'écrit Louise Michel dans ses Mémoires de 1886, «En révolution,
l'époque qui copie est perdue, il faut aller de l'avant.»
* La Commune de Paris. 1871.
Les acteurs, l'évènement, les lieux
Coordonné par Michel Cordillot
Ed. Tallandier, 2023
https://monde-libertaire.fr/?articlen=7745
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