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(fr) Alternative Libertaire #364 (UCL) - Daniel Kuanene Wea: «On ne dessine pas l'avenir de la Kanaky sans le peuple kanak»

Date Tue, 21 Oct 2025 14:15:12 +0100


Après les évènements de 2024 contre le dégel du corps électoral qui ont provoqué 15morts, l'emprisonnement d'un grand nombre de jeunes mobilisé·es et la déportation d'indépendantistes kanak, un projet d'accord nommé Bougival a été proposé par le ministère des Outre-Mer. Une délégation du Front de libération national kanak et socialiste (FLNKS) est d'abord allée discuter avec Manuel Valls, mais a finalement décidé de dénoncer ce projet d'accord. Alternative libertaire publie un entretien avec Daniel Kuanene Wea sur la nouvelle séquence qui s'ouvre autour de la lutte indépendantiste de Kanaky. ---- Pouvez-vous revenir sur les raisons du rejet du projet d'accord Bougival? ---- Il faut savoir qu'il y a eu quatre accords qui ont été, pour nous, essentiels pour asseoir un processus de décolonisation de la Kanaky. En 1983, avec l'accord de Nainville-les-Roches, nos aîné·es ont choisi le chemin de l'indépendance plutôt que la départementalisation. Cela a toujours été assumé par l'État et cela nous engage aussi dans un projet de société. Il est inclusif et nous avons fait le choix d'y reconnaître les «victimes de l'histoire»: celles déportées au bagne à la fin du XIXe siècle et celles venues avec le boum du nickel au XXe siècle et la volonté de Pierre Messmer d'envoyer du blanc en Kanaky. Nous reconnaissons ces gens, mais il nous appartient de décider de la trajectoire politique de notre pays. Après les «Événements» [1] en 1984 suivent les accords de Matignon en 1988. C'est d'abord un accord de paix sociale et économique, mais il n'y figurait rien quant à la volonté d'accéder à la pleine souveraineté et l'indépendance. D'où les accords d'Oudinot qui ont juste après amené notre pays vers un processus de décolonisation sur plusieurs années. Ce processus va être réenclenché avec l'accord de Nouméa, qui va opérer un transfert de compétences au pays pour une autonomie de gérance politique reconnue par la Constitution française. D'où l'idée l'année dernière de modifier la Constitution française pour pouvoir remanier l'accord de Nouméa, ce qui continue aujourd'hui avec Bougival. La trajectoire est pourtant claire, le transfert de compétences a été fait et il reste maintenant les compétences régaliennes.

Le plancher de discussion est donc pour nous l'accord de Nouméa, c'est-à-dire qu'il faut discuter sur les compétences régaliennes. Mais pour discuter du pouvoir autour des stratégies indo-pacifiques ou du nickel, il faut que nous sortions de notre statut de colonisé·es pour devenir un peuple reconnu aux yeux du monde et par la résolution 14 de l'ONU, afin de pouvoir discuter d'État à État. Cet esprit des accord de Nouméa, on ne le retrouve pas dans le projet Bougival, qui n'est qu'un habillage d'idéologie et de mots pour cacher une volonté de maintenir la Kanaky dans la France. Par exemple, la notion de peuple kanak qui était reconnue comme peuple premier dans l'accord de Nouméa ne se retrouve plus. On nous définit comme une communauté parmi d'autres en Kanaky, on parle de «peuple calédonien», alors que nous sommes un peuple autochtone avec des traditions et des cultures, un rapport particulier avec la terre, l'environnement, la mer, l'espace dans lequel nous vivons. C'est pour toutes ces raisons que nous refusons le projet Bougival.

Quelle séquence va ouvrir ce projet d'accords Bougival dans le mouvement kanak?

Pour l'instant nous sommes dans l'observation depuis la chute du gouvernement Bayrou, on reste attentif et attentive à l'évolution de la situation politique française. Nous espérons réinterroger le texte en lui-même après un remaniement gouvernemental. Le projet d'accord est proposé le 29septembre à la discussion de l'Assemblée nationale afin de reporter les élections provinciales de cette année en juin 2026. Cette élection va définir le gouvernement et le Congrès en Nouvelle-Calédonie. Ce sont ces instances qui vont donc amener les discussions pour la suite de la décolonisation ou le maintien dans la France comme le veut Macron. La deuxième étape prévue par Manuel Valls, ministre des Outres-mers, est une consultation en octobre pour modifier la Constitution et remplacer l'accord de Nouméa par l'accord de Bougival. On s'inscrit donc dans ces deux dates contre le passage en force de l'État. Nous organisons une mobilisation le 26septembre à Paris pour manifester notre mécontentement. C'est un travail de mobilisation sur place, mais aussi de lobbying auprès des parlementaires autour du danger de ce report des élections et de la modification de la Constitution. Le FLNKS n'a pas participé à la signature, c'est la première fois depuis les révoltes qui ont nourri notre revendication que celui-ci n'est pas entendu et écouté par l'État.

Le mouvement kanak va-t-il aussi intervenir auprès de la population dans le mouvement social qui s'est ouvert après la censure du gouvernement?

Le 10septembre, j'étais à Nîmes, comme d'autres référents et référentes du Mouvement kanak en France (MKF) dans d'autres villes. Nous étions présents et présentes avec nos drapeaux, j'ai eu l'occasion de prendre la parole pour montrer notre soutien et expliquer les raisons pour lesquelles nous sommes aussi concerné·es par cette politique menée par Macron. Nous intervenons également auprès d'autres organisations et mouvements, par exemple les collectifs de solidarité Palestine. Nous faisons des tournées dans les universités d'été ou à la Fête de l'Humanité pour interpeller les militantes et militants ainsi que les politiques sur la situation, et nous allons continuer.

Dans ce contexte quelles pistes d'actions pouvons-nous mener en tant qu'anti-colonialistes en France?

Ce qu'on peut faire déjà à notre niveau, c'est élever les consciences à partir de nos réseaux de luttes mais aussi à travers nos référents et référentes politiques. Il y a un réel danger dans le report des élections qui, comme l'année dernière, pourrait remettre de l'huile sur le feu. Il faut que les élu·es de France soient conscients et conscientes qu'on ne peut pas dessiner l'avenir de la Kanaky sans le peuple kanak. La France ne peut pas engager unilatéralement, avec ses référents politiques de droite néo-calédonienne, la politique de notre pays. Il faut aussi faire attention à ne pas utiliser le dossier kanak comme un élément de propagande. Beaucoup prennent conscience de la singularité de notre lutte, il y a les proches échéances de septembre-octobre, certes, mais il faut aussi se projeter avec certaines organisations dans un travail de programme politique sur la question de la décolonisation. Beaucoup parlent de la Kanaky, des prisonniers et des prisonnières, mais quand on les interpelle sur le sujet, personne ne répond. Quand on écoute par exemple Mélenchon aux universités d'été insoumises qui fait les louanges la grandeur de la zone économique de la France, de l'étendue de ses eaux et de ses frontières, il oublie qu'une de ces frontières se trouve dans une terre qui appartient à un peuple premier. Il intègre la Kanaky dans la question des frontières à gérer. Il ne faut pas oublier la question principale de la décolonisation. Sans régler cette question on ne peut pas régler la crise économique et sociale au pays. Il faut vraiment visibiliser la racine du problème.

En quoi consiste actuellement l'action du MKF et comment relayer ses campagnes?

Le Mouvement Kanak en France est un mouvement mis en place depuis 2004, à la base pour accompagner les étudiantes et étudiants kanak, ici en France, et les aider à l'insertion et à l'embauche au pays. Depuis, un deuxième objectif s'est mis en place: la formation politique des jeunes et la prise de conscience de l'opinion française et internationale à la cause de l'indépendance de notre pays. Nous nous mobilisons autour du projet Bougival et nous continuons sur la question des aides aux prisonniers et prisonnières. Il y a des cagnottes en ligne qui circulent. Nous travaillons aussi avec le Collectif Solidarité Kanaky, qui regroupe plusieurs associations, collectifs, syndicats, organisations, qui sont avec nous. Des comités sont présents un peu partout en France. L'année dernière, on a par exemple fait une réunion publique à Lille pour y lancer le MKF et Solidarité Kanaky.

Propos recueillis par Judi (commission Relations internationales de l'UCL)

Notes:
[1] Conflit entre partisans et opposants à l'indépendance entre 1984 et 1988.

https://www.unioncommunistelibertaire.org/?Daniel-Kuanene-Wea-On-ne-dessine-pas-l-avenir-de-la-Kanaky-sans-le-peuple-kanak
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