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(fr) Courant Alternative #353 (OCL) - Haro sur La Hague!

Date Mon, 20 Oct 2025 18:22:09 +0100


Des rencontres ont eu lieu à La Hague du 18 au 20 juillet dernier pour s'opposer à son extension, avec une manifestation le 19, à l'appel de Piscines Nucléaires Stop. C'est un collectif local qui s'oppose à l'extension de La Hague. On peut qualifier cet événement de succès. ---- Le projet «aval du futur» ---- La Hague est la poubelle nucléaire de la France et d'une partie du monde, et La Hague déborde. 10000t de déchets sont stockés à Orano, l'équivalent de 110 réacteurs, sans compter 80t de plutonium et 337t de rebuts de MOX. Le MOX est un combustible utilisable dans quelques unes des centrales nucléaires, fabriqué à partir des déchets de combustible des centrales. Entre autres petits inconvénients, le MOX contient du plutonium, un des éléments radioactifs le plus dangereux à toute petite dose (mortalité à moins d'1g/kg s'il est inhalé) et les plus durables (sa période, durée pour perdre la moitié de sa radioactivité, se compte en milliers d'années); deuxième petit inconvénient, le MOX usagé n'est pas recyclable et est encore plus toxique que l'uranium usagé. Il faut avoir conscience que les quantités de radioactivité déversées dans la Manche par La Hague sont plus importantes que les quantités déversées par Fukushima. En fait, La Hague, c'est deux poubelles. Il y a l'usine d'Orano (ex-AREVA ex-COGEMA) de retraitement des combustibles usés, et le long de l'usine le Centre de Stockage des Déchets nucléaires de la Manche qui appartient à l'ANDRA. Les deux poubelles débordent.

En 2021, EDF annonce un projet de construction de nouvelles piscines de stockage. C'est ce qui va motiver la création du collectif Piscines Nucléaires Stop. Orano reprend la main à l'automne 2024 avec un projet plus grand, baptisé «Aval du futur»:  construction d'une nouvelle usine de retraitement comprenant 3 usines de stockage et une usine de fabrication du MOX, et prolongation de l'usine actuelle au-delà de 2040. Ils ont osé prétendre avec aplomb devant la presse ne pas avoir besoin de nouvelles acquisitions foncières. Mais bien sur. Depuis, une première tentative d'achat de terres à la commune a capoté devant le recours juridique déposé par le collectif.

Le réveil d'une opposition locale

Avec ces trois journées de mobilisation, le collectif Piscines Nucléaires Stop a réussi une belle performance. C'est un collectif intergénérationnel, regroupant aussi bien de vieux opposants que des jeunes. Et ça, c'est revigorant. Il faut imaginer la densité nucléaire de cette région. Pour vous donner une idée, sur la plage à laquelle aboutissait la manifestation (tous les autres parcours ayant été interdits), face à la mer, on voit sur la droite les installations de l'usine de La Hague, et sur la gauche les réacteurs de Flamanville! Il faut donc aussi imaginer le poids économique (en terme d'emplois comme de finance des communes), politique, militaire (les arsenaux de Cherbourg sont juste à côté) et policier sur la région. Le collectif fait depuis plusieurs années un travail énorme, multipliant les réunions d'information dans les différents villages. Alors certes, ils ne se définissent pas comme antinucléaires, de peur d'effrayer le bon peuple. Mais leurs façons de faire fleurent bon l'ancien mouvement antinucléaire, avec son autonomie, son travail de fond et son inventivité. Et les débats prévus aux rencontres faisaient à peu près le tour du sujet. Ces débats ont été très suivis, les marabouts étaient souvent complets et devaient refuser du monde.

La logistique du campement était très bien assurée, ce qui demande beaucoup de monde, et assurée essentiellement par les militant·es locales et locaux. Le pré, suffisamment vaste, était prêté par un paysan et des tracteurs ont accompagné la manifestation. Alors bien sur, le campement était dans l'air post-moderne du temps: cantine vegan, espace à part pour les LGBT et personnes se sentant vulnérables, équipe de bienveillance... Mais ce n'était pas pesant. Et les débats étaient nourris et intéressants, plus souvent assurés par des collectifs que par des personnalités. Il y avait aussi bien sur des soirées musicales. Alors que le temps était souvent maussade voire pluvieux (on était sur la pointe de La Hague, hein!), tout est resté très propre.

La manifestation du samedi après-midi a regroupé environ un millier de personnes. C'était une manifestation très colorée, sous le signe de Haro. Haro fait référence à une ancienne coutume normande, le droit de toute personne s'estimant lésée de sommer quelqu'un de comparaître sur-le-champ devant un juge pour se plaindre en justice par action civile du dommage dont on affirme avoir souffert. Cette action était suspensive. La manifestation faisait aussi référence à l'histoire légendaire des lieux (les landes sont souvent peuplées de fées, sorcières et autres farfadets). Alors on peut certes se lamenter en référence au glorieux passé où des manifestations contre La Hague ont rassemblé des dizaines de milliers de personnes. Ces dizaines de milliers de personnes venaient généralement d'ailleurs. Et aucun·e lecteur ou lectrice de Courant Alternatif n'a attendu ce rassemblement pour réaliser à quel point le mouvement antinucléaire français est moribond. On doit surtout se réjouir qu'une opposition se lève là où le nucléaire règne en majesté, on pourrait plutôt dire à la façon de l'empire de la guerre des étoiles. La majorité des gens de ce collectif sont nés après La Hague et ont grandi à l'ombre d'installations nucléaires qui font partie de leur paysage «naturel». Et ils et elles ont réussi déjà une chose: l'extension de La Hague n'est plus une évidence, c'est une décision qui peut être combattue.

Evidemment, Bure était très présent dans la mobilisation, en manifestation, dans les animations musicales, et dans les débats. Il y a un lien naturel entre l'opposition à La Hague et l'opposition à Bure.

La réussite de ces rencontres était politiquement très importante pour la suite du combat antinucléaire. Notamment, l'opération sera probablement renouvelée à échéance régulière (tous les deux ans en alternance avec les Bure'lesques?). On ne peut que se réjouir du fait que le pari aie été gagné.

Un mirage nucléariste toujours vivace

Les mots ne sont pas neutres. Nous désignons La Hague comme une poubelle, les nucléocrates comme une usine. C'est que La Hague n'est pas seulement la décharge pour des déchets nucléaires dont nul ne sait comment s'en débarrasser, et ce depuis le début du programme nucléaire. Dès que le problème insoluble des déchets a été posé sur la place publique, les nucléocrates, jamais en panne de fiction légitimante, ont inventé le mythe du nucléaire libérateur, producteur d'une énergie infinie et éternellement renouvelable.

Ils ont notamment inventé le mythe du retraitement. On allait trier les déchets et les «valoriser», c'est-à-dire au départ en extraire le plutonium nécessaire à notre bombinette, en espérant à terme savoir transformer les autres déchets en quelque chose d'utilisable. Double problème. Un, les opérations de triage en elles-mêmes créent à leur tour des montagnes de déchets (tout ce qui a touché des matières radioactives devient un déchet radioactif). C'est un peu comme le trou du Sapeur Camember. Deux, les militaires ont suffisamment de plutonium, et de toutes façons celui extrait à La Hague n'a pas la qualité adéquate (c'est une question d'isotopes (1) et d'impuretés). D'où, idée géniale, utiliser ce plutonium et certains déchets pour fabriquer le combustible des centrales nucléaires. Et, de nouveau, problèmes. Un, ce n'est pas possible dans toutes les centrales. Deux, c'est un combustible beaucoup plus dangereux puisqu'il contient du plutonium qu'en plus on est obligé de trimbaler d'usines de retraitement en usines d'enrichissement. Oui, du plutonium sillonne nos routes fréquemment. Trois, les déchets de ce nouveau combustible, le fameux MOX, encore plus dangereux, sont intraitables et pour le moment on les stocke (et comme on l'a vu ça déborde) en espérant savoir un jour comment faire. Accessoirement, on maîtrise mal ce que ce nouveau combustible fait aux tuyauteries et chaudières des centrales.

Pourquoi s'accrocher à un «rêve» qui fait la preuve de son échec depuis maintenant plus d'un demi-siècle et qui coute très cher tant financièrement que sanitairement?  D'abord, bien sur, pour des raisons idéologico-politiques. Si on veut présenter le nucléaire comme la solution d'avenir, pire, une solution écologique et décarbonée, il faut pouvoir prétendre avoir résolu la question des déchets. Pour des raisons financières, ensuite. La Hague a des contrats avec l'étranger, les nucléocrates de tous les pays sont prêts à payer pour faire semblant que le problème des déchets est résolu. Enfin, en comptabilité, un déchets est enregistré comme une perte. Tant qu'on maintient la fiction du retraitement, ce ne sont plus des déchets mais des matières valorisables. Si la fiction s'effondrait, le bilan comptable d'ORANO s'effondrerait avec elle.

Les nucléocrates sont en train de ressusciter un autre mythe, qu'on croyait enterré avec Malville, celui de la surgénération. Vous savez, ce nucléaire qui, tel un Phoenix qui renaît de ses cendres, produit plus de combustible qu'il n'en use, promesse d'une énergie infinie. Ils n'ont toujours pas réussi, mais ils arrivent quand même à utiliser des caloriporteurs ultra-dangereux (le fameux sodium liquide à Malville, qui s'enflamme spontanément à l'air par exemple) et nous laisser du plutonium en plus. Plusieurs projets de SMR (les Small Modulable Reactor, petits réacteurs qu'on fabriquerait à l'échelle industrielle, si, si...) utilisent cette technologie. Les nucléocrates expliquent fièrement qu'il y a 127 projets différents à travers le monde. Ceci signifie surtout qu'il y a 127 technologies qui ne marchent pas donc on va en essayer une 128ème, etc.

Un mirage qui nous coute cher

Ce mirage ressemble de près à un cauchemar.

Déjà, en ces temps de disette, il nous coute cher financièrement. Le cout du projet «aval du futur» est estimé à 15 milliards pour les 15 premières années du chantier. Dépassement de devis non compris... Le projet France relance 2030 prévoit 1 milliard pour les seuls projets de SMR. L'État français est en train d'arroser plein d'entreprises certaines réelles et d'autres bidons pour financer la relance du nucléaire.

En ces temps de militarisation, c'est aussi un cauchemar de ce point de vue. Certains projets (newcleo notamment, dont on reparlera dans un article ultérieur) prévoient des combustibles à 30 % de plutonium. C'est le pourcentage qui a servi de prétexte au bombardement américain des usines d'enrichissement en Iran. Clairement, financer ces projets, c'est financer la prolifération nucléaire et des projets militaires.

Dernier cauchemar: on peut toujours se rassurer et se dire que de toutes façons, ce n'est qu'un mythe, ils ne sont pas capables de le réaliser techniquement. C'est vrai. Mais regardez Flamanville. Le démarrage a été annoncé pour mai dernier. Ils n'arrivent toujours pas à démarrer leur machin, il y a à chaque fois un nouvel incident. Mais le machin est bien là, bien bétonné et bien radioactif, bien protégé par les forces de l'ordre aussi, donc, certes, il ne produit pas d'électricité, mais il produit bien les nuisances et les risques d'une centrale nucléaire particulièrement dangereuse. Même si l'EPR2 de Flamanville n'arrive pas à produire un seul Kw, ses conséquences sur nos vies sont bien là. Le retraitement est un mythe, les déchets ne seront jamais recyclés, mais en attendant, la poubelle de La Hague, la montagne de déchets qu'elle accumule, les flots de radioactivité qu'elle déverse dans la Manche sont, eux, bien réels.

La société policière qui accompagne nécessairement la société nucléaire pèse déjà lourdement sur nos vies. Le risque nucléaire est une épée de Damoclès sur l'ensemble des populations: il n'y a pas d'utopie possible sur un territoire contaminé. Il reste donc toujours urgent de combattre les projets nucléaires, y compris ceux qui relèvent visiblement de la folie.

A l'heure où ces lignes sont écrites, l'important est de soutenir la mobilisation pour la manifestation du futur à Bure le 20 septembre. A l'heure où vous les lirez, la manifestation aura déjà eu lieu. Souhaitons lui le même succès que pour Haro.

Sylvie

Note
(1) 2 isotopes ont le même nombre de protons (énergie électriquement positive) donc d'électrons, et sont donc chimiquement semblables, mais pas le même nombre de neutrons. Du coup, certains isotopes sont instables, c'est-à-dire radioactifs.

https://oclibertaire.lautre.net/spip.php?article4531
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