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(fr) Alternative Libertaire #348 (UCL) - Extractivisme: Les luttes écologistes au-delà des frontières
Date
Wed, 10 Apr 2024 19:08:25 +0100
Du Pérou à Grenoble et partout dans le monde, l'extractivisme dépasse
les frontières pour piller les sols et dominer le vivant. Pour y faire
face, apportons une vision internationaliste et décoloniale dans nos
luttes écologiques. ---- L'extractivisme représente un mode
capitalistique et colonial d'accumulation des richesses et repose sur
l'extraction d'importantes quantités de ressources naturelles
(fossiles, minières, forestières, etc.) principalement destinées à
l'exportation vers les empires coloniaux. ---- Comme le décrit Eduardo
Galeano dans son livre Les veines ouvertes de l'Amérique Latine, le
pillage des terres et sous-sols de l'Amérique Latine, ainsi que
l'exploitation de la force de travail et de l'esclavagisation des
peuples autochtones, sont étroitement liés à la formation et à la
configuration du capitalisme mondial.
L'extractivisme, renouvellement du colonialisme, met en lumière le fait
que les communautés résidant sur des terres riches en ressources sont
dépouillées de ces dernières. De nombreux chercheurs et chercheuses
évoquent la «malédiction des ressources», soulignant que ces précieuses
ressources sont exploitées pour alimenter l'économie des pays
occidentaux, laissant aux populations autochtones des gains financiers
minimes, voire négatifs tout en pillant leur sol et sous-sol et polluant
leur environnement. Ce système perpétue diverses formes de domination
en déplaçant les richesses du Sud global vers le Nord global.
Prenons l'exemple de LaOroya[1], une ville d'environ 33000 habitant·es,
située dans la chaîne de montagnes centrale du Pérou. Depuis 1922, elle
a été le site d'une fonderie métallurgique principalement exploitée par
l'entreprise américaine Doe Run-Peru. Le complexe a longtemps été la
principale source d'emploi de la région, cependant, l'activité
métallurgique a entraîné une grave pollution de l'air, du sol et de
l'eau. En 2000, La Oroya a été classée parmi les dix villes les plus
polluées au monde, avec des niveaux alarmants de plomb dans le sang des
habitant·es (97% des enfants âgés de 6mois à 6ans ont encore des niveaux
élevés de plomb dans le sang). Certains parents ont mené une action
collective au siège de l'entreprise Doe Run, aux États-Unis.
Le capitalisme détruit la terre et les corps
En 2009 des mesures sont enfin prises contre l'exploitant américain et
le complexe métallurgique est fermé. Mais, c'est loin d'être une
victoire, la population locale continue de subir les conséquences
néfastes de la contamination persistante tout en faisant face au
chômage, ce qui pousse les syndicats à réclamer la réouverture du
complexe afin de pallier le manque d'emploi.
Cet exemple, parmi tant d'autres, appuie la nécessité d'une révolution
des modes de production qui passe par la maîtrise de la production par
les travailleuses et travailleurs. Cette révolution constituera le
moteur essentiel de la lutte contre le système colonial et
extractiviste, mettant ainsi fin à l'exploitation intensive des sols et
sous-sols de régions entières, à l'exploitation du vivant et des
populations autochtones, à la surproduction et une remise en cause des
procédés industriels polluants...
Les luttes écologiques à l'heure de la mondialisation
De l'autre côté de l'Atlantique, dans le bassin grenoblois, une lutte
contre l'agrandissement du site de Crolles de STMicroelectronics bat son
plein avec le collectif StopMicro. L'entreprise, qui produit des
semi-conducteurs, consomme une quantité significative d'eau dans un
territoire où la compétition pour l'accès à l'eau est intense. Après
l'agrandissement, l'industriel prévoit de tripler sa consommation d'eau
par rapport à 2021 ce qui représente une aberration écologique dans une
région déjà en tension hydrique. La CGT ST Crolles, s'est également
prononcée sur le sujet et appelle les salarié·es à se saisir des enjeux
environnementaux que pose leur activité et critique la direction sur le
manque d'ambition pour trouver des solutions effectives.
Face à cette lutte contre l'agrandissement de STMicroeletronics,
certain·es défendent l'argument de la relocalisation de la production,
mais en réalité, l'agrandissement de l'usine de Crolles ne va pas
remplacer une usine ailleurs, mais s'y ajouter. Cependant, il est
important de reconnaître l'effet rebond des réglementations
environnementales françaises qui engendrent une délocalisation de la
production et donc des pollutions et un pillage des sols d'autres
régions. Il est donc nécessaire d'apporter un prisme décoloniale dans
les luttes contre les grands projets inutiles. Ainsi, à côté d'une
révolution de la production il faut mener une révolution des échanges en
défendant l'autonomie productive. Libérées des dépendances des
multinationales, les territoires, à l'aide de la production locale et
des circuits d'échange courts, doivent être en mesure de subvenir à
leurs besoins, évitant ainsi les pollutions et pillages d'autres
territoires.
Si la lutte contre l'agrandissement de STMicroeletronics et celle de la
ville péruvienne La Oroya sont géographiquement opposées, elles ont un
ennemi commun de taille: le capitalisme qui réussit à s'adapter et à se
renouveler en utilisant d'autres dominations afin de perpétuer son
essor. Ainsi, pour préserver les ressources et le vivant, nous devons
mener des luttes écologiques, décoloniales, anticapitalistes et
internationales par-delà les frontières.
Léo et Oum (UCL Grenoble)
Notes:
[1]Environemental Justice Atlas
https://www.unioncommunistelibertaire.org/?Extractivisme-Les-luttes-ecologistes-au-dela-des-frontieres
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