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(fr) Liberté ouvrière - «Guerres» | L'antimilitarisme et les anarchistes en 2024

Date Fri, 15 Mar 2024 20:10:20 +0000


Texte de L'affranchi.info originalement intitulé «Guerres»[https://laffranchi.info/guerres/]---- Le pessimisme brutal dans lequel nous plonge l'écrasement de Gaza sous les bombes, la famine et les tirs des snipers nous révèlent que le fascisme est bien là. Comment qualifier la guerre menée par Israël à Gaza et en Cisjordanie autrement que comme un «nettoyage ethnique», comme un génocide. ---- Il y a quelques années, nous pouvions croire que l'humanité - malgré sa brutalité capitaliste et son productivisme destructeur - pourrait peut-être entendre raison. Des printemps arabes aux luttes pour le climat, des révoltes des Iraniennes à la résistance des Afghanes... on conservait des lueurs d'espoir. ---- On vient de commémorer les deux ans de l'attaque russe contre l'Ukraine. L'occasion pour les médias et les gouvernants de remettre la question à leur agenda. Dans la perspective d'un retrait du soutien américain à Kiev, parce que l'aide militaire va désormais en priorité à Israël (et en cas de réélection de D. Trump...) il s'agit de préparer les opinions européennes à porter l'effort de guerre ukrainien.

Selon les va-t-en-guerre européens - à la tête desquels on trouve Ursula Von der Leyen - la guerre sur le territoire de l'Union européenne est présentée comme probable dans les années à venir. Il existe une «doxa» selon laquelle un cessez-le-feu et des négociations sans que l'Ukraine n'ait retrouvé ses frontières d'avant février 2022, voire mars 2014 (annexion de la Crimée par la Russie) serait une prime offerte à l'agresseur. Poutine, qui est présenté comme un nouvel Hitler, en profiterait pour reconstituer ses forces et lancer de nouvelles attaques contre la Pologne, la Roumanie, les Pays baltes... jusqu'à Berlin ou à Paris! Ces «faucons» européens estiment ainsi devoir prendre les devants avec un réarmement massif des pays membres (armes achetées surtout aux Etats-Unis, il va sans dire!).

On a entendu Emmanuel Macron évoquer l'envoi de troupes au sol pour participer à la défense de l'Ukraine. Pour le président français, tout est envisageable pour empêcher une victoire de la Russie, y compris de devenir cobelligérant. Curieusement, cette déclaration a coïncidé avec une conférence intitulée «L'internationalisme par l'exemple» organisée par un Comité Ukraine à Lausanne, le 29 février dernier, pour honorer les internationalistes morts au combat après avoir rejoint l'armée ukrainienne. Si l'on en croit l'un d'eux, ils étaient inspirés par des «traditions politiques anarchistes, antifascistes et socialistes démocratiques» et se battaient «non seulement pour la liberté du peuple ukrainien, mais pour celle de toute la région et au-delà»: une variante de la «doxa» évoquée ci-dessus. Voilà donc une frange de la gauche, de l'extrême-gauche, des «anarchistes» embarquée dans la lutte pour la défense de la «démocratie», du «monde libre», contre le fascisme russe... à la traîne de Macron, de l'UE, de l'OTAN!

Si l'on suit cette conception «gaucho-libertaro-occidentaliste» il faudrait choisir entre la démocratie et le totalitarisme, entre l'Occident et l'Axe du mal. On nous refait le coup de la «Guerre froide», chaude en l'occurrence, et on nous exhorte de choisir notre camp.

Nous savons certes que, dans l'histoire du mouvement libertaire, il y a eu le «Manifeste des seize» (1916) où durant la première guerre mondiale, des anarchistes (Kropotkine, Jean Grave...) avaient pris parti pour les Alliés, car ils considéraient l'agression allemande comme «une menace - mise à exécution - non seulement contre nos espoirs d'émancipation, mais contre toute l'évolution humaine». Un an plus tôt, un nombre bien plus conséquent d'anarchistes dont Emma Goldman, Alexandre Berkman, Luigi Bertoni, F. Domela Nieuvenhuis ou Errico Malatesta... fidèles à leurs principes antimilitaristes avaient, dans une déclaration commune, dénoncé la guerre dont la cause réside «dans l'existence de l'Etat qui est la forme politique du privilège...». Par la suite Malatesta devait ajouter que les «seize» s'étaient convertis en «anarchistes de gouvernement».

Cette division plus que centenaire est toujours d'actualité. Il y a des anarchistes - dont nous faisons partie - qui ne croient pas à une évolution progressive du capitalisme; qui voient les évolutions de plus en plus autoritaires des systèmes dit démocratiques... et de l'autre côté, celles et ceux qui rêvent d'un nouveau compromis entre le capital et le travail qui permettrait - au moins à certain.es - de réaliser leurs aspirations dans le cadre de ce système.

Cette fracture s'est manifestée l'été dernier, à propos de la guerre en Ukraine, aux Rencontres internationales anti-autoritaires de Saint-Imier. Les militant.es de la Fédération anarchiste italienne (FAI) y ont dénoncé la place donnée au soutien «aux politiques de guerre des États», soulignant le fait qu'un «atelier intitulé «Anarchistes en guerre» se soit tenu dans la grande salle le samedi, à l'heure la plus favorable, le jour le plus fréquenté». A cette occasion, rapportent les membres de la FAI, les interventions critiques et antimilitaristes ont été censurées... Les membres de la FAI devraient savoir que c'est notamment au sein de leur Internationale des fédérations anarchistes (IFA), par le biais de la Fédérations libertaire des montagnes (Jura suisse) intégrée à la Fédération anarchiste francophone, que l'on trouve des partisan.es de l'engagement de volontaires «anarchistes» dans les rangs de l'armée ukrainienne. Le coucou est dans leur nid!

Sur le stand de la Fédération libertaire des montagnes à Saint-Imier, nous avons vu une masse de brochures intitulées «Anarchistes en première ligne contre la guerre de la Russie» où sont honorés des «anarchistes internationalistes tombés en Ukraine» (1). Dans l'introduction de cette publication on apprend qu'en Ukraine «les anarchistes travaillent à la construction d'une unité militaire anti-autoritaire et au développement d'une voie de résistance loin du nationalisme». Qui peut croire de telles balivernes? alors que l'on assiste à une guerre d'usure et que le front est devenu un véritable «hachoir à viande» qui sacrifie par centaines de milliers les prolétaires des deux côtés. Ceux et celles qui imaginent une réalité qui ressemblerait à celle des premiers mois de la guerre d'Espagne (2) et décideraient de s'engager, se retrouveraient jeté.es au coeur d'une conflagration industrielle de haute intensité dans laquelle aucune autonomie n'est possible. A ce propos, on ne peut pas comparer des résistant.es qui commettent des sabotages ou des attentats, durant la seconde guerre mondiale par exemple, à des militaires enrégimentés.

La possibilité d'organiser des unités militaires indépendantes de l'État en Ukraine est une vue de l'esprit dans le meilleur des cas et au pire un mensonge, à l'usage de groupuscules politiques pour vendre leur camelote à un public naïf. La guerre symétrique (du fort au fort) ne laisse guère de place à une organisation armée des exploité.es qui pourrait se consolider dans un territoire hors du contrôle étatique. La nature de la guerre actuelle en Ukraine a dépossédé, depuis le début, les populations ouvrières de toute possibilité d'initiative militaire indépendante. Cela ne veut pas dire que des initiatives de résistance et d'entraide ne puissent être effectuées clandestinement.

Évidemment, nous ne nions pas que la Russie soit l'agresseur, que son armée a commis des crimes atroces et que son régime est particulièrement répressif contre les mouvements d'opposition. Des dizaines de milliers de personnes sont condamnées pour des délits politiques (il est question de 116'000 condamnations durant les six dernières années, un chiffre invérifiable). Un grand nombre d'appelé.es a quitté le pays pour échapper à la mobilisation, beaucoup refusent de se battre et désertent le champ de bataille... Mais du côté ukrainien, la situation n'est pas rose non plus en ce qui concerne les droits des gens. Avec la loi martiale, des partis politiques ont été interdits et le droit du travail a été dégradé par une nouvelle législation adoptée par le parlement en 2022.

Il y a en Ukraine des anarchistes conséquent.es qui sont opposés la guerre; qui résistent en s'entre-aidant; en s'organisant pour la défense des conditions de travail; en essayent d'aider les déserteurs, etc. Déserteurs qui sont toujours plus nombreux: plus de 25'000 auraient réussi à quitter l'Ukraine et presque autant se seraient faits attraper en essayant de passer la frontière; l'automne dernier, la police nationale ukrainienne comptabilisait déjà quelque 8'000 procédures pénales ouvertes contre des réfractaires... Comme l'exprime à sa manière le collectif Assembly de Karkhiv «les travailleurs ukrainiens devront devenir anarchistes et vivre véritablement comme tels et pas comme de simples râleurs contre les autorités dans leur cuisine. Non seulement pour éviter un emploi officiel (...) mais aussi pour s'efforcer de rompre tout lien avec l'État et vivre dans la clandestinité, y compris en arrêtant de recourir aux soins médicaux, en vendant sa voiture et en réinitialisant sa carte bancaire programmée pour être bloquée en cas de défaut de comparution à une convocation» (3).

Revenons à la conférence de Lausanne et à la métaphore du coucou. La seule oratrice dont l'identité apparaît est une femme politique: Stefanie Prezioso, membre de l'Union populaire, un nouveau parti constitué en partie d'ex-trotskistes. On est bien loin de la Conférence de Zimmerwald (1915) où Lénine dénonçait comme une trahison la capitulation nationaliste des dirigeants de la IIe Internationale (socialiste), ou du traité de Brest-Litovsk (négocié par Trotski en 1918) où le jeune pouvoir bolchevik acceptait de perdre 800'000 km2 de territoire pour obtenir la paix. Désormais, ces prétendu.es «internationalistes» encouragent des jeunes à rejoindre un bain de sang, en mettant en avant des martyres «anarchistes», quel retournement!

De deux choses l'une: ou Poutine est un fou irrationnel et le mettre à genoux nous conduirait directement à la troisième guerre mondiale et à l'anéantissement de l'humanité; ou la guerre qu'il a déclenchée peut, au moins en partie, être expliquée par des menaces ressenties également par une partie de la population russe. Quoi qu'il en soit, la seule sortie possible est une négociation, un cessez-le-feu... Celui-ci aurait peut-être abouti fin mars - début avril 2022, lors des pourparlers d'Istanbul, si Boris Johnson n'avait pas convaincu le président Zelensky du soutien inébranlable de l'Occident lors d'un voyage à Kiev le 9 avril. Avec le récent échec de la contre-offensive ukrainienne, le compromis inévitable risque d'intervenir dans de moins bonnes conditions.

Les raisons qui ont poussé la Russie à attaquer l'Ukraine ont été exposées par Carlos Taibo dans un texte publié sur ce blog. Il rappelle que les promesses faites à Gorbatchev, puis à Eltsine en matière de sécurité n'ont pas été tenues; que l'OTAN a incorporé des pays qui ont fait partie de l'URSS ou du Pacte de Varsovie, se rapprochant ainsi dangereusement de la frontière russe; que la docilité de la Russie qui a soutenu l'intervention militaire américaine en Afghanistan en 2001 et n'a pas bougé lors de l'invasion de Irak en 2003, n'a été récompensée que par l'arrogance de l'Occident... (4)

Faut-il rappeler à ceux qui nous traiteront de «poutiniens», de «Munichois» que le fait d'expliquer un contexte ne signifie pas approuver une action. Quand il est question de l'attaque d'Israël par le Hamas, nos gauchistes n'hésitent pas à rappeler que cette organisation islamiste est aussi le fruit de la politique menée par l'État hébreux depuis des décennies, et que ses crimes ne peuvent justifier le massacre de la population Gaza... L'appui de l'Occident à Israël est légitimement dénoncé. Par contre, en ce qui concerne l'Ukraine on devrait s'aligner sur les pouvoirs en place. Nous pensons que Poutine est aussi une «créature» et que la guerre que lui mènent les puissances occidentales par Ukraine interposée n'est pas perdue pour tout le monde.

Parmi les gagnants, il y a les États-Unis qui sont parvenus à réduire drastiquement l'approvisionnement de l'Europe en gaz et en pétrole russes, acheminant par bateaux leur gaz liquéfié plus cher vers le Vieux continent... Sans parler des ventes d'armes et autres matériels militaires déjà évoquées. Sur le plan géostratégique, l'affaiblissement de la Russie sur le long terme bénéficie principalement aux États-Unis. La Chine peut tirer son épingle du jeu, affermissant ses liens avec le Sud global de plus en plus hostile aux pays européens. Pour ces derniers, plus la guerre dure en Ukraine, plus la facture sera salée. Cette facture, ce sont les travailleur-euse.s et les classes pauvres qui la payeront et pas les capitalistes, pour qui la «destruction créatrice» des guerres est bénéfique pour les affaires. Pour contenir le mécontentement, des régimes de plus en plus répressifs se mettent en place, comme on l'observe avec le gouvernement Macron entre autres. Entre les dictatures à la Poutine et lesdites démocraties il n'y a pas de différence de nature, mais des différences de degrés dans la violence contre les exploité.es. Celle-ci étant aussi plus ou moins forte en fonction de qui elle vise et des rapports de force qu'on parvient à lui opposer.

Avec le nationalisme et l'intégrisme religieux, «le capitalisme porte en lui la guerre comme la nuée porte l'orage» (Jaurès). C'est valable pour l'Ukraine, pour la Palestine, mais aussi pour les guerres oubliées comme celle du Nord-Kivu en République démocratique du Congo (RDC) qui dure depuis 2004 et qui reprend de plus belle. Là aussi les intérêts capitalistes jouent un rôle déterminant: les sols de la RDC (surtout du Kivu) contenant entre 60 et 80% des réserves de coltan, un métal stratégique...

Contrairement à celles et ceux qui comptent sur la guerre pour faire progresser les droits humains, notre antimilitarisme, notre rejet de la guerre, n'est pas à géométrie variable. Que l'on ne compte pas sur nous pour encourager l'engagement guerrier au service d'un État.

Ariane et José

Notes

1) Ceux-ci sont également célébrés dans le bulletin de la Fédération libertaire des montagnes: «Le Chat déchaîné» de juillet 2023, où figure un texte identique signé par le Comité Rojava du Jura.

2) Au début de la Guerre d'Espagne, les anarchistes et le peuple en armes forment des colonnes de milicien.nes qui se lancent sur les routes en direction des troupes franquistes. Une véritable auto-organisation prolétarienne s'instaure au sein de ces milices où les décisions sont prises en commun... Leur militarisation progressive, motivée par un souci d'efficacité mais aussi de contrôle, va progressivement transformer les volontaires en soldats qui n'ont plus d'autre choix que celui d'obéir à leurs supérieurs. Il en résultera une démoralisation, d'autant plus importante que dans un certain nombre de corps d'armées, des communistes flanqués de conseillers soviétiques parviennent à prendre le contrôle, n'hésitant pas à éliminer les anarchistes ou les militants du POUM quand ils en ont l'occasion.

3) Extrait d'un texte du 26 octobre 2023, traduit par «Le Monde libertaire» du 12 novembre 2023.

4) https://laffranchi.info/otan-russie-et-ukraine/

https://liberteouvriere.com/2024/03/14/guerres-lantimilitarisme-et-les-anarchistes-en-2024/
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